Le mythe de la « sharing economy » !

On n’a jamais tant entendu parler de l’économie du partage : The sharing economy pour les aglo-saxons et le flux de billets ou de sujets ne montre pas le moindre signe de tarissement !

sharing_ecoEn fait de partage, il n’y en a quasiment pas tandis que les opérateurs de ces services ne représentent en fait que la nième génération d’entrepreneurs soucieux UNIQUEMENT de performance économique.

L’économie de partage est morte et nous en sommes les principaux responsables écrit Sarah Kessler dans un billet intitulé FIVE YEARS AGO, EVERYBODY WAS EXCITED ABOUT THE IDEA OF USING TECH TO BORROW THINGS LIKE POWER DRILLS. IN PRACTICE, THOUGH, NOT SO MUCH.

L’idée simple, évidente,  qu’on a adoré et à laquelle tout le monde a adhéré : mutualiser « la possession » des outils (perceuses, chignole, etc.) ou de biens rarement utilisés avec ceux qui en ont besoin.
Partager pour éviter d’acheter ce qu’on a rarement l’occasion d’utiliser !

Bien sur, c’est un concept inattaquable sur le plan intellectuel, mais dans la pratique cela n’a pas fonctionné et il semble même qu’aujourd’hui tout le monde s’en moque !

D’un simple point de vue pratique, les nombreuses startups qui se sont attachés à imaginer un service  et à décliner une proposition de valeur dans ce domaine sont en voie de disparition à l’exception de NeighborGoods mais à propos de qui, certains émettent de sérieux doutes quant à la pérennité de son modèle d’affaires actuel.

Pourquoi, une idée si simple, si évidente et – pour quoi – si noble (face à la dérive consumériste), ne fonctionne pas ?

De mon point de vue, il y a quelques raisons structurelles :

  1. Elle ne répond pas au besoin exprimé :
    un bricoleur ne veut pas une perceuse, il veut percer pour …drill_hole
    De plus, le besoin d’utilisation des outils mais également d’autres biens ou services est largement dominé par des opérateurs historiques, bien implantés et riches d’une offre pertinente.
    Les entreprises de location de matériel de bricolage, de voitures, de meubles, etc. n’ont pas attendu le web 2.0 et les réseaux sociaux pour apporter des réponses fiables à ce type de besoin.
  2. Les particuliers n’ont ni la rigueur, ni le professionnalisme, ni parfois l’envie de passer du temps pour « partager » une perceuse qu’il est plus facile de louer ou plus fréquemment d’acheter en ligne ou dans un centre commercial tout proche.
    L’utilisation d’un outil à l’occasion d’un moment de bricolage est une des opérations et il y en d’autres qui intègrent d’autres outils ou pièces (marteau, chevilles, vis, clous, etc.) qui sont des consommables non partageables et qu’il faut de toute façon aller acheter !
  3. Ce marché pour être viable doit concerner des masses importantes de transaction et fonctionner sur la confiance.
    Seuls les opérateurs « classiques » peuvent, aujourd’hui, gérer en central un service de qualité pour un grand nombre de demandes.
    Ces opérateurs, AirBnB pour le monde hôtelier, Uber pour le transport ou encore Spotify pour la musique et Amazon pour le livre, pour n’en citer que quelques uns, ne se différencient de leurs aînés et concurrents que dans la façon dont il apporte aux client une offre basée sur des produits et/ou services très communs.
  4. Les questions annexes telles que touchant à la responsabilité (assurances), à la fiscalité (taxes et impôts), à la disponibilité (des outils et de « l’offreur »), à l’entretien (maintenance et garantie de fonctionnement), par exemple, ne sont pas traitées par les opérateurs qui renvoient dos à dos offreur et demandeur.
    Il est difficile de considérer, aujourd’hui, qu’un système d’évaluation peut constituer à lui seul une garantie de la qualité de la personne et de son offre.

A défaut d’évoluer au regard de ces éléments – qui sont clefs selon moi – l’économie de partage, telle que présentée aujourd’hui par la presse et certains « visionnaires », n’est qu’une douce illusion qui ne concernera que des groupes particuliers pour des échanges marginaux en nombre et en valeur.

Au delà du mythe crée par nos envies collectives de plus de bien et de moins de « pas bien » (chacun met le curseur où il veut), la location de biens et de services représentent aujourd’hui une réalité, économiquement très importante, de l’économie de partage bien présente dans tous les secteurs de l’informatique (cloud) aux transports en passant par l’hôtellerie, et le bricolage bien sur pour n’en citer que certains !

 

6 réflexions sur “Le mythe de la « sharing economy » !

  1. Le concept moralement beau est attaquable du point de vue intellectuel :
    Les gens ne dépensent leur énergie qu’à ce qui leur apporte un bien, mental ou physique. S’il n’y a rien au bout, ils se détournent.
    Que propose la sharing economy ? Une vie meilleure ?
    Avec le voisinage, ça marche : le sharing apporte de la sympathie et du meilleur vivre ensemble. Mais à grande échelle, qui peut voir concrètement le bénéfice de son action ? Ce n’est plus de la confiance qu’il faut pour que ça marche mais de la foi. L’étage au-dessus.

  2. Très bonne analyse de ce concept.
    En effet, ce concept ( doit-on parler de vœu pieu ?) est lié à ce désir de se délier du consumérisme qui obsèdent certains. Nous ne garderions ainsi que ce qui nous est utile de manière permanente. Comme tout désir sa satisfaction n’est pas forcément possible ni d’ailleurs souhaitable. Penser que le principe du sharing est applicable à la masse c’est accorder bien peu de poids à l’amour de l’individu contemporain pour la notion de propriété et oublier le fort pouvoir d’attraction des marques.
    En revanche, le partage de service répond à d’autres enjeux et peut donner naissance, selon moi, à des business models rentables.

  3. Dire que le partage ne fonctionne pas c’est peut-être parler un peu vite… certes ce n’est parfois pas le succès escompté mais les start-up les plus innovantes peuvent parfois s’en sortir ! Votre article m’a poussé à me renseigner sur une start-up dont j’ai entendu parlé il y a déjà plusieurs année : Peerby. Visiblement son succès dépasse aujourd’hui son pays d’origine (Pays-Bas) puisqu’elle est même dispo en France ! J’avais remarqué cette start-up car contrairement à beaucoup de plateformes l’utilisation est simplifiée au maximum et est très conviviale… Ne perdons pas espoir il existe de nombreux projets « humanistes » et viables qui se distinguent des plateformes marchandes comme Airbnb et autres 🙂

    Bonne journée à tous

    Pour ceux que cela intéresse : https://www.peerby.com/

  4. Je me rappelle le Ted de Rachel Botsman sur la sharing economy suivi par le dernier essai de Rifkin qui brodait pas mal sur le concept.
    Cette idée de sharing economy repose beaucoup sur l’engagement et la motivation des gens.
    Le partage d’outils, ça fonctionne entre voisins, mais s’il faut envoyer sa perceuse à un type habitant à 300 km, le projet atteint ses limites. De même que le troc illustré un peu naïvement par Rachel Botsman comme « j’échange mon DVD de DH contre ton DVD de Star Wars » repose sur la motivation de s’échanger des produits qui s’achètent pour moins de 5€ sur Ebay, frais de port compris…il faut avoir un peu fréquenté ces sites de troc pour prendre conscience de la vacuité de la proposition!

  5. Bonjour,
    L’illustration du vrai besoin par rapport aux offres est très réaliste! Je pense qu’il faudrait mettre en place en place avant de véritablement exploiter des idées prônées par le sharing economy. Bien que le principe est très intéressant, dont l’humanisation et la personnalisation du système marketing, il faut croire que les gens ont toujours besoin des offres des entreprises pour fixer leur vrai besoin.

  6. Belle analyse! Je pense que les startups et les géants de l’entreprise sont un peu pris de dépourvu et cherche impérativement une autre approche pour une meilleure réputation. Sur ce point de vue, je pense que le sharing marketing peut effectivement constituer un vrai outil pour une fois encore sonder et décortiquer le comportement des consommateurs. Par contre, il ne faut pas confondre marketing collaboratif et sharing marketing!

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