20 ans de déclin du besoin de singularité
Une vaste enquête internationale, publiée dans Collabra: Psychology in, s’appuie sur les réponses de plus de 1,3 million de participants entre 2000 et 2020 pour documenter une forte baisse du «besoin de singularité » — c’est‑à‑dire la motivation à se démarquer, à défendre publiquement ses convictions ou à transgresser les normes.
Le phénomène questionne la culture numérique, l’appartenance sociale et la dynamique de l’individu dans la société contemporaine.
Dans un monde où l’expression individuelle et la visibilité numérique semblent valorisées, on pourrait s’attendre à ce que le désir d’être unique croisse. Pourtant, la recherche menée par William Chopik et ses collègues montre le contraire : sur deux décennies, le «need for uniqueness» a décliné.
La publication (parue en 2024) intitulée «Changes in Need for Uniqueness From 2000 Until 2020» fournit les données empiriques et les analyses statistiques qui documentent ce phénomène.
Les analyses montrent une baisse linéaire du besoin de singularité au cours des deux décennies.
La plus forte diminution concerne la disposition à défendre publiquement ses convictions (environ 6,5 % de déclin), tandis que la préoccupation de l’opinion des autres a également baissé (environ 4 %).
La facette « ne pas suivre les règles » diminue aussi, mais plus faiblement.
Les effets sont statistiquement significatifs, bien que modérés au niveau individuel.
Interprétations et enjeux sociaux
Plusieurs hypothèses émergent : l’environnement numérique favoriserait la prudence d’expression, la pression à l’appartenance primerait sur la différenciation, et la satisfaction du besoin d’unicité pourrait désormais se manifester par des identités de niche en ligne.
Les chercheurs suggèrent que l’auto‑censure, la culture de la conformité et l’importance accrue du regard social expliqueraient cette évolution.
Limites et précautions
Les auteurs soulignent plusieurs limites : échantillon auto‑sélectionné et non représentatif (jeune, majoritairement féminin), mesures auto‑rapportées, causalité non démontrée et amplitude des effets modérée.
Ces précautions incitent à interpréter les résultats comme des tendances générales plutôt que des changements psychologiques profonds universels.
Implications et perspectives
Ce déclin du besoin de singularité pourrait influencer la participation citoyenne, la créativité et la diversité d’opinions. Les institutions éducatives et les médias devraient encourager la confiance en soi et la liberté d’expression. Les chercheurs appellent à de nouvelles études internationales pour déterminer si cette tendance se retrouve dans d’autres cultures et tranches d’âge.
L’étude de Chopik et al. (2024) publiée dans Collabra: Psychology offre un regard inédit sur l’évolution du besoin d’unicité à l’ère numérique.
En révélant un déclin sur vingt ans, elle invite à repenser la relation entre individualité et appartenance.
Si les effets restent modérés, ils soulèvent des questions essentielles sur la liberté d’expression et la tolérance à la différence dans nos sociétés hyper‑connectées.
Méthodologie :
L’enquête s’appuie sur les données du Gosling–Potter Internet Personality Project, un vaste projet en ligne de collecte de données de personnalité entre 2000 et 2020. Au total, 1 339 160 réponses ont été agrégées. Le profil moyen des répondants : âge moyen d’environ 21 ans, 65,8 % de femmes. L’échelle de mesure comprenait 32 items répartis sur trois facettes : défendre publiquement ses convictions, souci du regard d’autrui et propension à ne pas suivre les règles. Les chercheurs ont observé les tendances temporelles linéaires et non linéaires entre 2000 et 2020.

