[Avenir radieux]Management : nouveaux dogmes et belles promesses!

Récemment, l’article publié sur le blog de Parlons RH relatif aux impostures de l’entreprise libérée (EL*) a provoqué quelques réactions et c’est tant mieux.

Parmi les nombreux commentaires, on retiendra les retours d’expériences – ce sont ceux qui de mon point de vue sont porteurs d’une indéniable valeur – et les autres émis par des inconditionnels de l’EL ou des observateurs plus réservés.
Revenons, si vous le voulez bien au témoignage de Gilles qui a souhaité rester anonyme ce qui montre la pression qu’il subit et les craintes qui l’animent. C’est une posture intéressante du seul fait qu’elle reflète l’existence de fortes tensions dans certaines entreprises ayant opté pour la voie de l’EL, mais après tout, me direz-vous, c’est normal et inévitable dans un processus de transformation.

« Mon expérience est celle d’un ex-directeur opérationnel qui a assisté à la « libération » de l’entreprise qui l’employait, une entreprise que vous ne citez pas dans votre article mais dont les parutions dans la presse et les conférences sont aussi nombreuses que les louanges auxquelles nous assistons depuis quelques années. Dans un contexte difficile, des volumes d’activité en baisse, des actionnaires à rémunérer (c’est toujours le sujet central bien peu abordé par les consultants, le nerf de la guerre), des coupes drastiques dans les budgets ont été menées, jusqu’à l’apparition et la mise en place de l’entreprise libérée… Tadam.

Sur le papier, il est difficile d’être contre l’entreprise libérée, c’est là la grande perversité du système. Comment s’ériger contre un système profondément « humaniste » dans le propos, un système qui veut « rendre heureux » alors qu’au fond il est profondément malsain, créant au contraire des dissensions extraordinaires entre les services, une forme de pression permanente, dont j’ai retrouvé l’ambiance à la lecture de « seul dans Berlin » : chacun observe l’autre, le plus « positivement », en toute « fraternité » possible pour – au choix :

–        prendre des initiatives largement relayées en interne, plaçant chacun dans une perspective de comparaison anxiogène,

–        s’enfermer dans une parano pathologique, ceux qui n’adhèrent pas au système doivent partir…

–        décider en communauté de l’augmentation de salaire du collègue,

–        relayer sur les réseaux sociaux les propos largement édulcorés de la direction ou des communicants de l’entreprise, participer au cynisme en amplifiant les effets heureux de la libération ( chers journalistes, arrêtez d’interviewer les dirigeants de ces entreprises et demandez, de façon anonyme aux salariés quels sont les réels changements… j’observe pour ma part que les discours off, avec mes anciens collègues, sont opposés à tout ce qui est annoncé).

Pour mon expérience, le comité de direction auquel je participais, a totalement disparu en moins de 2 ans. Dans un climat de tension extrême, les meilleurs de l’entreprise sont tous partis – dirigeants, managers, employés – un à un (bien entendu, ils ont tous été poussés à le faire (ce qui ne rend pas spécialement heureux) puis accusés de quitter le navire parce que les changements leur « faisaient peur »…). Aucune de ces personnes n’a été remplacée. Ceux qui sont partis aimaient l’entreprise et n’ont pas supporté que le management de l’entreprise soit transféré des cadres et dirigeants à toute une flopée de consultants « spécialistes en entreprise libérée » qui ont fait leur publicité sur un cobaye bien crédule…

La perversité du système c’est qu’il n’y a pas d’emploi ailleurs, que la peur du chômage oblige bon nombre de salariés à suivre la « vision » de l’entreprise, à accepter la « pression des pairs », à jouer, que dis-je à surjouer l’engagement… et parfois, le plus simple pour ne pas trop souffrir d’être conscient de la manipulation, de l’écart formidable entre la réalité du terrain, annoncée partout, et la version des conférences, c’est de participer soi-même à l’élan, en s’enfermant dans un discours mensonger dont le seul atout est de nous écarter de la réalité terrifiante. 

Voilà à quoi j’ai assisté, voilà à quoi j’ai renoncé et voilà ce que j’observe chez mes ex-collègues, qui 3 ans après mon départ ont vu leurs effectifs diminuer de 15 à 20%… pour un motif économique.« 

Ce témoignage, outre la dimension personnelle, est riche car il fait partie des rares qui remettent en cause « publiquement » ce qui est devenu presque un dogme !

Vous pourriez m’opposer que si les témoignages de cette nature sont rares, c’est parce que l’EL est un modèle porteur d’un réelle valeur ajoutée d’un point de vue économique et social.
Je souscrit à cette remarque et c’est pourquoi j’ai bien cherché et pendant longtemps sans avoir trouvé – non plus – une littérature récente et particulièrement bien argumentée sur les bénéfices réels (non ceux escomptés) de l’EL.

Il y a donc sur le sujet des promoteurs de ce modèle qui n’ont toujours pas démontré d’une façon indiscutable (même partielle) les bienfaits de l’EL et ceux (les autres) qui visiblement en souffrent selon les expériences.

dogmatismeIl y a quelques mois, je m’amusais, en référence aux promesses d’un avenir radieux, des désillusions de certains gourous du social business.
Aujourd’hui, je m’étonne de la candeur de certains dirigeants d’entreprise qui après avoir loué les vertus du taylorisme sont prêts à jeter le bébé avec l’eau du bain pour se prosterner devant les représentants d’une nouvelle idéologie !

L’entreprise, et c’est une leçon de ces 15 dernières années, doit gagner en agilité et en cohésion pour faire face aux difficultés et aux contraintes qui sont les siennes sur ses marchés.

Il n’y a pas, et on ne peut que s’en féliciter, de recette magique pour asseoir, autant faire se peut, un minimum de stabilité financière et sociale.
L’entreprise doit trouver son chemin dans son histoire, sa culture, avec ses atouts dont font partie les employés. Il n’y pas de place pour l’ostracisme dans une organisation respectueuse et qui, plus est, se veut efficace au regard de ses objectifs.

Et ne nous trompons pas, le premier objectif de toute entreprise est à minima l’équilibre de ses comptes, c’est à dire – concrètement – vendre des produits et/ou des services pour faire rentrer de l’argent dans les caisses ! Il me semble que beaucoup ont oublié cette réalité triviale. Dans certaines d’entreprises, les services transverses et les différentes « couches » de management se sont multipliés au risque de se trouver largement déconnectés du « réel » et ce n’est pas sans créer des tensions internes plus ou moins sérieuses entre « productifs » et « improductifs ». Le constat est fait et il est parfois cruel pour les entreprises dont quelques dirigeants sont presque convaincus que le chiffre d’affaires se fait au travers d’un tableau Excel ou d’une diapo Powerpoint.

A ces excès et ces dérives organisationnelles, est-il utile, pertinent et efficace de répondre uniquement et systématiquement par une proposition du type de l’EL?

Je ne le pense pas pour plusieurs raisons :

Il faut protéger et valoriser le « capital humain » dont on dispose et dont on a besoin : Il est sidérant de constater la violence des propos tenus sur un groupe Linkedin ou divers consultants discourent sur la proportion des personnes résistantes à la démarche (19, 14 ou 3%) et qui seront naturellement conduites vers la sortie, poussées à la démission, comme si derrière ces chiffres il n’y avait pas des hommes et des femmes dont la vie sera affectée gravement.

Car même si cela ne concernait que 3% des collaborateurs d’une entreprise, est-il acceptable que la mise en place d’un modèle d’organisation conduise à une telle maltraitance ? A ce que pour une fraction non négligeable des collaborateurs cela conduise à une augmentation de la pression et de ce que l’on appelle couramment les RPS, de l’absentéisme, etc… (ces éléments sont par ailleurs mis en avant par un récent rapport d’audit mené au sein d’une entreprise en cours de libération par un cabinet indépendant à la demande des partenaires sociaux dans le cadre d’une mission du Comité d’Hygiène Sécurité et Conditions de Travail). Dans quel monde de cyniques est-on favorable pour l’application des recettes conduisant sciemment à la souffrance et au harcèlement de toute une catégorie de personnes, visant à les exclure et à les pousser à la démission ?
Ce réflexe tient de la vision la plus négative du terme ressources (humaines) que l’on peut imaginer.

Le « salut » passe certainement par une stratégie d’accompagnement et d’anticipation des perturbations liées au numérique.

Régulièrement sont évoqués les résultats de l’enquête Q12 (Gallup) sur l’engagement des collaborateurs. Outre le fait que l’utilisation des résultats de cette enquête est toujours contestable dans ce type de contexte (quelle est la définition de l’engagement, peut-il se mesurer de la même manière dans toutes les cultures, la population des entreprises répondants, généralement de grandes entreprises, n’est pas représentative du tissus économique et enfin généralement les entreprises se livrant à ce type d’exercice sont confrontées de manière consciente et donc flagrante à des problématiques d’implication et d’engagement de leurs collaborateurs) retenons et simplifions les chiffres, environ 20% des personnes seraient désengagées. Un des arguments fréquemment avancé est d’améliorer l’engagement des collaborateurs et donc de réduire ces 20% grâce à une organisation telle que l’EL.  Mais faut-il alors confronter près de 20% de collaborateurs (les résistants qu’il faut éliminer si l’on reprend la terminologie utilisée par certains consultants ou coach de libération) à des situations tellement complexes, instables ou génératrices de souffrance que nombre d’entre eux préfèrent démissionner et que l’on pourrait qualifier de maltraitance organisationnelle ? (par exemple Zappos, qui n’est certes pas à proprement parler une entreprise libérée, mais dispose d’un business model similaire a vu 14% de son encadrement démissionner sur une très brève période).

Enfin, c’est un bien curieux calcul que celui de se priver – ou de pousser au désengagement – de près de 20% de collaborateurs dont un grand nombre d’experts et de cadres et de risquer de dégrader l’implication et la motivation de personnes aujourd’hui moteur dans le fonctionnement de l’entreprise au motif que qu’un pourcentage relativement similaire de collaborateurs ne sont pas engagés et qu’on espère, sans que l’on soit sur, qu’ils seront plus impliqués.

Dans un tel contexte, j’aurais pour ma part tendance à privilégier une approche pragmatique plutôt que systématique. Il est fréquent de discuter avec des managers qui cherchent de réponses ou des pistes et qui se verraient avec plaisir confier une recette comme l’EL ou une méthode.

S’il est vrai qu’il convient de repenser l’entreprise, les modes managériales, faut-il pour autant se précipiter vers des recettes simplificatrices et survendues avec des arguments discutables et invérifiable en l’état ?
Seuls ceux qui en ont fait leur business (livres, conférences, interviews, etc.) défendent cette approche dans laquelle il faut sacrifier à la mode de l’EL pour respecter les collaborateurs, travailler en confiance, et développer un management responsable.

Je m’inscris en faux et de mon point de vue l’EL n’est qu’une proposition qui, comme toutes celles avant elle, une fois déclinée en modèle (générateur de business pour ses porte-paroles) perd probablement beaucoup de sa singularité et de son intérêt.

Aujourd’hui, sur le terrain de la « guerre économique », il y a des entreprises qui avancent vers des organisations plus souples, plus agiles et plus soucieuses des hommes à la fois. L’idée d’un corps social plus « hybride », sachant valoriser hiérarchie et « wirearchie » quand cela fait le plus sens (donc le plus profitable car sinon quel est l’objectif de l’existence de l’entreprise?) me paraît bien plus intéressante !

Car « l’entreprise libérée » n’apporte pas de réponse à d’autres questions – (que celle liées aux ressources humaines telles que portées par l’article de Parlons RH) – et également importantes en termes de gouvernance, de vision, de stratégie et bien sur de responsabilité et de prise de décision : qui ou quel « organe » incarne ou peut incarner ces actes clefs ?

Le reste n’est souvent que du bruit, de la communication, de la recherche de business à court terme et en fin de compte n’intéresse probablement pas grand monde à part ceux qui appartiennent aux mêmes cercles d’influence.

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*L’entreprise libérée – si on peut encore utiliser le terme –  est une marque déposée par Liblab dont Isaac Getz est dirigeant

marque entreprise libérée

26 réflexions sur “[Avenir radieux]Management : nouveaux dogmes et belles promesses!

  1. Au travers de ce témoignage, on sent que l’égo de ce témoin a bien été titillé. Quand il dit « des actionnaires à rémunérer (c’est toujours le sujet central bien peu abordé par les consultants, le nerf de la guerre) », c’est justement ce changement de paradigme dont il n’a pas encore pris conscience. Le profit devient un moyen et non un but : http://www.madamelaterre.com/pages/de-l-autonomie-a-la-decroissance/comment-faire.html
    Le mieux travailler ensemble et l’incarnation de ces valeurs avec une vision commune fera en sorte que les employés seront plus efficaces et générerons plus de valeur à mon sens.
    Avoir le ressenti de chacun est important pour avancer ensemble et c’est effectivement malheureux que certains quittent le navire sans qu’on leur ai donné l’occasion de s’exprimer. C’est comme tout, il y a un juste milieux à trouver, à adapter selon les cultures d’entreprises 🙂

    • Merci.
      En effet, s’il y a changement de paradigme, la moindre des choses (selon moi) est d’accompagner les employés dans cette évolution.
      A force de non pédagogie et de non partage avec ceux qui font l’entreprise – en dehors de ceux qui l’utilisent – les managers prennent le risque de perdre le peu de légitimité qu’ils ont encore pour certains.
      Quant aux gourous, il ne faut pas se méprendre : leur business ne s’encombre surtout du « droit d’inventaire » quant aux résultats de la mise en oeuvre des méthodes ou processus dont il vantent les vertus.
      En ce qui concerne le consensus dont vous esquissez l’impérieux besoin, je ne peux qu’adhérer à votre proposition puisque vivant au quotidien l’expérience d’un pays (la Suisse) où nous tous, les citoyens, avons avant tout, envie de faire quelque chose ensemble !
      Merci

  2. Je ne vois pas de différence fondamentale avec le système actuel au niveau des personnes qui quittent le navire… C’est le pourcentage (environ 15 à 20) de gens qui « paient » volontairement ou non l’arrivée d’un changement, y compris dans une entreprise classique qui prend un nouveau virage dans sa stratégie, dans l’innovation, dans son rapport aux clients, ou autres. M. Super, j’aime beaucoup ce que vous faites, mais ne négligez pas qu’il y a des gens qui ne veulent pas « faire quelque chose ensemble » et qu’il faut en tenir compte également. Sinon, cette naïveté peut coûter très cher à l’entreprise…

    • Merci Aline,
      Je ne suis pas naïf au point de croire que tout le monde est toujours prêt à « faire quelque chose ensemble » 🙂
      Ce qui me gêne dans les promesses exprimées par les porte paroles de ces « nouvelles méthodes » d’organisation c’est principalement qu’il n’y a aucun élément objectif qui permet d’apprécier leur pertinence et qui plus est les retours des employés concernés sont le plus souvent « mitigés ».
      Enfin, il y a surtout le fait que de remettre en question l’intérêt de ce type de pratiques vous (me) classe immanquablement dans le rang de ringards et autres dynosaures du management.
      Au delà de ces remarques, je pense comme vous que la naïveté est dangereuse pour l’entreprise et que le pragmatisme est clef, même si parfois un peu de candeur nous fait du bien.
      Merci et au plaisir .

      • Cher claude, merci pour cet article et ce débat. Nous partageons déjà beaucoup. Je me suis livré à une petite expérience sur les entreprises US dont nous parlent les tenants de l’entreprise libérée et j’ai « Glassdorisé » leur nom. Glassdoor est un site de notation des entreprises par les salariés garantissant autant que faire se peut l’anonymat et la qualité du recueil des informations. En gros, on a une note qui permet de savoir si les collaborateurs recommandent l’entreprise ou pas (essentiellement au regard de ce que l’on y fait et de la manière dont on le fait) et pour plagier Gilles … tadam …
        Ces entreprises n’ont pas de meilleures notes que les autres. Elles sont même légèrement en dessous de la moyenne annoncée 3.3 sur 5 (moyenne avancée par GlassDoor)…

        Dommage que les entreprises dont on nous rabâche les oreilles en permanence en France Poult, Favi, etc… soient si petites qu’elles n’aient pas d’évaluation disponible en ce qui les concerne… Quoique, suite à ce commentaire les spins doctor s’arrangeront certainement pour se livrer à un petit jeu de bourrage des urnes…

        Encore merci pour cet article et l’ouverture vers la wirearchie qui me fait ainsi cogiter.

      • En effet, et j’ai moi même critiqué la méthode en son temps, mais je retiens ces quelques chiffres car les biais méthodologiques s’appliquent de la même manière sur toutes les entreprises. En gros il y a des erreurs, mais ce qui compte c’est pas les valeurs mais la logique de comparaison 🙂 c’est vrai c’est un peu limite, mais instructif à défaut d’autres éléments de ressenti.

  3. bonjour Claude,
    Malheureusement ce témoin que j’ai bien connu n’a assisté qu’à la première partie de la transformation et de loin la plus dure. Et il mélange, puisqu’il n’y est plus les problèmes liés à ce virage managériale et la situation économique du marché. Mélanger les deux c’est trop facile. Dans la profession on est plutôt ceux qui s’en sortent le mieux… Ou le moins pire. Et quelle entreprise aujourd’hui ne se restructure pas pour faire face aux problèmes économiques et concurrentiels, ca n’a rien à voir avec l’EL. Bref il n’a pas su prendre le virage, virage difficile à prendre, j’ai failli le raté moi aussi et si j’avais eu l’opportunité de partir à cette époque je l’aurais fait. Mais les choses évoluent et ce système libre m’a permi de retrouver de la passion dans mon travail et ca, dans une entreprise « normale » je ne l’aurait pas eu. Donc un témoignage est un témoignage mais pas une généralité. Et évidemment que tous ceux qui partent ou sont partie ont un jugement négatif c’est normal. Il y a aussi ceux qui restent et qui s’épanouissent et il y en a. L’EL et ultra complexe et exigeante. On estime d’ailleurs que la culture de le hiérarchie est tellement forte dans nos cultures que seules 20% des salariés sont EL ready … Chiffre qui n’a rien de scientifique mais qui reflète l’effort à fournir pour une efficacité positive. Bref on peut en parler des heures mais attention aux témoignages personnels pris pour des vérités générales.
    Et bonjour aux amis Suisse !

    • Laurent,
      Merci de votre témoignage qui montre combien la complexité et la difficulté du chemin à parcourir avec ceux qui le veulent et le peuvent.
      Comme quoi, il n’y a pas de recettes magiques mais des choix singuliers à faire selon la stratégie et au regard des possibilités .
      Merci
      Claude

    • Bonjour Laurent, votre remarque est très intéressante, car si il est vrai qu’une hirondelle ne fait pas le printemps et qu’un exemple n’est pas une généralité cette remarque est également valable pour les témoignages mis en boucle pour valoriser l’entreprise libérée. Le témoignage de Gilles (ainsi que d’autres que j’ai reçu depuis, mais par mail, les personnes ne désirant pas s’afficher) est pour sa part intéressant comme l’a indiqué Claude SUPER car il regroupe nombre de points négatifs que je soulève dans mon texte. Il donne de la vie à des informations arrides telles que 50% des collaborateurs de l’entreprise Morning Star démissionnent dans les deux ans suivant leur recrutement. Plus simplement il illustre que la promesse de bonheur au travail ne repose que sur une vision portée par quelques uns.

      Il est vrai qu’aujourd’hui 20 % des salariés ne sont pas engagés, mais que penser des 20 % dont nous parlent ces « consultants » qui réfractaires à ces nouveaux modes de fonctionnement se désengagent ? faut-il échanger l’un contre l’autre ? d’autant que, et la c’est votre témoignage, la promesse de sur-performance, permettant de se libérer d’un contexte économique n’est pas au rendez-vous et s’effectue au travers d’une transformation « dure » pour reprendre votre terme.

      Je ne dis pas que ce modèle est à proscrire, simplement qu’il est incomplet en l’état. La volonté de certains, qui disent qu’il n’y a pas de modèle, ce qui permet de mettre tout et n’importe quoi dans l’EL est dangereuse car les fondements (le business model) porte en lui même nombre de désagréments. Ce témoignage et d’autres doivent nous pousser à avoir de véritables propositions visant à en limiter les errances.

  4. Ce qui dérange surtout c’est le changement, vers le bon , vers le mauvais, nul sait puisqu’il n’y a pas de modele à suivre. L’EL comme vous l’appelé n’a rien de miraculeux, ça reste des hommes et des femmes qui doivent travailler ensemble avec un peu moins d’ordres directifs et plus de liberté d’entreprendre. What did you expect ! Et comme tout changement il y a ceux qui rament en avant, ceux qui attendent de voir sans ramer et ceux qui rament à l’envers attachés à leur idéologie qui est de surtout rien changer, tout est parfait pour eux. On est aussi capable de trouver deux ou trois salarier d’entreprises classiques qui sont parti parce que pas d’accord avec leur supérieur ou qui n’aiment pas leur job parce qu’ils ne se sentent pas écouté … C’est pas pour ca que le modele est à jeter. Alors les exemples c’est beau, ça fait mousser… Mais ca sert a quoi ? A dire qu’il ne faut surtout pas essayer de faire mieux, génial ! Et comme c’est nouveau et tellement incroyable pour certain qu’on nous demande des conférences tous les jours. A tel point qu’aujourd’hui on fait des visites d’entreprise et des portes ouvertes pour faire découvrir comment ça se passe dans la vraie vie et au plus près du terrain. Apres chacun est grand pour juger et prendre ce qui l’intéresse ou pas. Nous on a l’esprit libre, et y a pas mal de personnes à qui ça convient. Mais oui ca ne résout pas tous les problèmes. Bien évidemment. Mais faire confiance en ses collaborateurs et leur donner le pouvoir de s’exprimer c’est déjà plus intéressant que ce qu’il peut se dire dans un codir.

    • Bonjour Pierre-Yves, je suis le Gilles et tu as bien deviné. Je suis abasourdi par tes propos, ne te souviens-tu pas de ton mal-être, de ton blog anonyme destiné à critiquer tout ce qui se passait dans l’entreprise ? De nos discussions ? De nos remises en question ? De l’angoisse au sein de cette société ? Des départs ? Rencontres-tu ceux qui ont du quitter l’entreprise au début de cette année ? Sais-tu ce qu’ils vont devenir ? « Axyome 2.0 », celui qui dénonce les gourous, cela ne te dit rien ? Je trouve révoltante ta position, tes statistiques et ton retournement de veste. Heureux pour toi que tu aies pris du galon depuis le départ de ta chef.
      Pierre

      • Merci Pierre de ce témoignage à visage(s) découvert(s) !
        Espérons qu’au moins la parole se sera un peu libérée à l’occasion de ce billet.
        Cordialement
        Claude
        PS : il serai intéressant de savoir – objectivement – comment le business de cette société évolue en dehors des montages comptables et financiers !

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  6. Bonjour Claude, pardon d’avoir utilisé ton blog pour réagir publiquement aux propos tenus plus haut.
    Pour répondre à ta question, il n’est plus possible – de l’extérieur – d’avoir la moindre information sur les résultats de cette entreprise depuis 2011. Les seuls éléments tangibles, indicateurs de l’activité, sont les articles de presse locale, annonçant un plan social massif à l’échelle de l’entreprise en début d’année.
    Un plan social à la campagne, dans une zone pauvre en emploi, c’est un drame absolu – pour ceux qui sont concernés évidemment, les autres ont l’esprit libre. Je suis consterné que les consultants qui ont visité cette entreprise n’en aient pas pris conscience.

    Expérimenter, se remettre en question, objectiver, transformer, oui, bien sûr c’est essentiel et les entreprises n’attendent pas d’être libérées pour s’y mettre. En tant qu’ancien cadre dirigeant, ce n’est pas le changement qui m’a fait peur, après tout, j’ai renoncé à tous mes fantastiques pouvoirs et mon formidable confort en quittant cette entreprise, sans aucun filet et cela n’a pas toujours été très simple (les travailleurs indépendants me comprendront). Dans le genre « peur du changement », on repassera.

    En revanche s’entêter et s’enfermer dans un schéma qui ne porte pas – dans ce cas-là (je ne connais pas les résultats florissants des autres) – ses fruits, et qui en plus a généré beaucoup de souffrance, ce n’est pas responsable compte tenu des enjeux sociaux et du fait que des vies, des vraies vies, sont totalement chamboulées par une « vision » non négociable.

    « C’est trop facile de mélanger virage managérial et crise économique » ? On ne peut pas faire comme si la situation économique désastreuse que nous connaissons tous n’existe pas. C’est une faute grave dont les conséquences vont bien plus loin que quelques échanges sur la toile.

    Pierre

    • Merci Pierre,
      Pas de souci, ce blog est un espace d’expression libre et tu as eu raison d’y exprimer ton avis et ressenti.
      Merci pour les infos complémentaires à propos de la société.
      Cordialement
      Claude

    • Mais je dénonce toujours les gourous et les experts qui savent tout sans rien connaitre à partir de choses qu’ils ont bien voulu entendre qui fait leur fond de commerce. Ensuite la situation de l’entreprise est à placer sur son marché et pas comme si elle était seule au monde avec sa petite révolution interne. Tout le marché dans lequel nous sommes est en grande difficulté, comme toute l’industrie française, mais dans ces très fortes difficultés nous faisons tout pour se sortir du lot. Alors oui il a eu un PSE, c’est révoltant pour tout le monde et oui surtout pour ceux qui quittent l’entreprise. De là à dire que c’est le mode managérial qui créé cela dans ce contexte économique désastreux n’est pas crédible une seule minute. Bref je n’ai pas à étaler publiquement sur le très bon blog de Claude Super sur le pourquoi du comment. Idem pour les jugements personnels qui n’ont rien à faire là. Vous avez tous les deux mon numéro de téléphone ou les moyens de me contacter en direct et on peut en parler longuement si vous le souhaitez mais parler sans connaitre, ça me fait penser aux gourous et c’est pour ça que je réagis, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps !

      Salutation

  7. Bonjour,

    Je partage vos avis Claude Super et François Geuze, à propos de l’impossibilité de mesurer l’impact positif réel de cette nouvelle DOCTRINE, que l’on appelle l’Entreprise Libérée.
    Néanmoins, comment pourrions-nous expliquer le succès affiché et avéré de l’entreprise FAVI qui suit ce modèle ?

    • Bonjour, je n’ai pas la prétention de connaitre l’entreprise FAVI, mais même si tel était le cas je ne pense pas qu’objectivement l’on puisse penser qu’il existe une corrélation entre modèle managérial et performance économique de l’entreprise. Tout au plus pourrait-on parler d’un impact en la matière. Il est aujourd’hui particulièrement difficile de faire la part des choses. En effet, la réussite d’une entreprise, sa performance économique est-elle plus liée à son dynamisme commercial, son marché, ses capacités d’innovation, sa communication, etc … Il est mensonger seulement d’affirmer dans une communication plus qu’elliptique que les entreprises libérées « surperforment » laissant sous-entendre que c’est grâce au modèle de gouvernance. D’autant que certaines sont en grande difficulté voire envisagent de se séparer de leurs gentils collaborateurs dans le cadre de plans sociaux. La seule information trouvée concernant FAVI fait état d’un récent recul du CA de 3,4 % pour un montant d’environ 71M.

      A mon sens, et sans que je puisse étayer ma position par des exemples concrets, les succès ou les échecs de ces entreprises sont à chercher ailleurs que dans le système « libéré ». Je pense toutefois qu’il peut participer en plus et en moins (simultanément) à l’évolution de la performance de l’entreprise.

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