Quand nos « amis » sont des algorithmes : IA, médias sociaux et solitude à l’ère numérique »


Un article publié récemment dans The Atlantic avance l’idée que l’ère des « médias sociaux » comme la principale forme de socialisation numérique est en train de s’éteindre — et qu’elle laissera place à une ère plus “anti-sociale”, dominée par les « compagnons » d’IA (chatbots, avatars virtuels, etc.) qui prétendent remplir le rôle d’ami, de confident ou de partenaire. 

Le titre «The Age of Anti-Social Media Is Here» le dit clairement : «L’ère des médias sociaux est terminée. Ce qui arrive sera bien pire. » 

L’auteur soutient que ces IA ne remplacent pas simplement les interactions humaines : elles déplacent fondamentalement comment et avec qui nous « interagissons », avec des conséquences profondes pour l’individu et la société.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Notre vie sociale “hors écran” a décliné : sorties, interactions informelles, conversations spontanées, tout cela pèse moins dans notre quotidien. Et pendant ce temps, les plateformes numériques promettaient plus de liens… mais ont souvent livré des « amis » peu fiables, des followers, des likes, une illusion de contact.

Dans ce contexte, les géants de la technologie voient une opportunité : si vous n’avez pas assez de “vrais” amis ou de relations satisfaisantes, pourquoi ne pas parler à une IA ?

Et si cette IA se comportait comme un ami ? Comme un ou une partenaire ?

Est-ce inquiétant ?

Une IA ne remet jamais en question, ne fatigue pas, n’a pas de mauvaise humeur : elle est là pour vous — un parfait miroir. Mais un miroir vide.

Le “cocktail” relationnel humain : des frictions, des mauvaise compréhension, des efforts réciproques… c’est ce qui forge la profondeur, la confiance, la croissance. Sans ça, on peut rester dans un confort stagnant. Pour les enfants ou les jeunes, grandir avec des compagnons IA peut signifier moins d’occasions d’apprendre à vivre avec les autres : leurs besoins, leurs limites, leurs contradictions.

Du côté sociétal, on peut se demander : si chacun choisit de quitter la “vraie” vie sociale pour une IA, que devient la communauté, que devient l’engagement ?

Ce qu’il faut garder à l’esprit

L’IA, bien conçue, peut aider : pour le soutien émotionnel ponctuel, pour stimuler une réflexion, parfois même pour faire “bouche-trou” quand on est seul ou isolé.

L’IA ne doit pas devenir la seule modalité de relation. Elle ne doit pas remplacer l’effort de la rencontre, de la présence, de l’imprévu.

En tant qu’utilisateur : posez-vous des questions : « Avec qui est-ce que je parle vraiment ? Est-ce que je me contente d’un miroir ou est-ce que je prends le risque de l’irréversible ? »

En tant que société : il faut préserver et encourager les lieux, les moments et les occasions de socialisation : culture, sport, bénévolat, échange intergénérationnel… Avant que l’IA ne devienne notre “ami par défaut”.

Pour conclure (provisoirement)

L’ami-algorithme : ce n’est pas de la science-fiction, c’est déjà un peu notre quotidien.

Et tant que nous gardons les yeux ouverts, nous pouvons choisir comment et avec qui vraiment être ensemble.

Posons-nous les bonnes questions : est-ce que je parle à un être — ou est-ce que je parle à un reflet ?

Et qu’est-ce que je risque de perdre si je choisis le reflet ?

Réseaux sociaux : l’ennui grandissant des plus jeunes !


Le temps passé sur les réseaux sociaux a atteint son pic en 2022, selon GWI pour le Financial Times

Une enquête mondiale menée auprès de 250 000 adultes dans plus de 50 pays montre que l’usage des réseaux sociaux recule pour la première fois depuis leur essor, surtout chez les plus jeunes.

Une inflexion historique

Après deux décennies de croissance ininterrompue, le monde semble avoir dépassé le sommet de sa dépendance aux réseaux sociaux. Selon une vaste étude conduite par le cabinet GWI (Global Web Index) pour le Financial Times, le temps moyen quotidien passé sur les plateformes sociales a culminé en 2022 avant d’amorcer un déclin continu. Basée sur les comportements en ligne de 250 000 adultes âgés de 16 ans et plus, répartis dans plus de 50 pays, cette enquête dresse un constat inédit : à la fin de 2024, les internautes passaient en moyenne 2 heures 20 par jour sur les réseaux sociaux, soit environ 10 % de moins qu’en 2022.

Figure 1 – Temps moyen quotidien passé sur les réseaux sociaux (2012–2024). Source : GWI / Financial Times, 2024.

Les jeunes décrochent les premiers

Ce sont les jeunes adultes et les adolescents – longtemps les moteurs de la croissance – qui désertent en premier. Chez les 16–24 ans, le temps passé sur les réseaux chute de près de 20 % depuis 2022. Les 25–34 ans suivent la même tendance, mais plus modérément. Les chercheurs de GWI avancent plusieurs explications : fatigue numérique post-pandémique, désillusion face au contenu algorithmique, et recherche d’espaces plus privés ou authentiques. Les jeunes ne quittent pas Internet, mais ils changent de lieux : messageries, forums restreints, communautés Discord, ou plateformes créatives.

Figure 2 – Variation du temps passé sur les réseaux sociaux par tranche d’âge (2022–2024). Source : GWI / Financial Times, 2024.

Figures 3 – Évolution régionale du temps passé sur les réseaux sociaux (2022–2024). Source : GWI / Financial Times, 2024.

L’effet dopamine s’essouffle

L’étude souligne le rôle paradoxal de la vidéo courte, moteur de la croissance depuis 2019. Les formats type Reels, Shorts ou TikTok ont saturé l’attention des utilisateurs. Mais leur efficacité commence à se retourner : la répétition de contenus ultra-brefs et la surenchère algorithmique entraînent une fatigue cognitive et un sentiment d’inutilité. GWI et le Financial Times évoquent une forme de sevrage de la dopamine : après des années d’hyperstimulation, une partie des internautes adopte une consommation plus sélective.

Le rôle de l’intelligence artificielle

L’arrivée massive de contenus générés ou optimisés par IA modifie profondément la dynamique sociale. Depuis 2023, les flux intègrent des posts créés ou amplifiés par des modèles d’intelligence artificielle. Si ces outils augmentent la productivité des créateurs, ils renforcent aussi la sensation d’uniformité et de perte d’authenticité. Les fils d’actualité ressemblent de plus en plus à des vitrines sans humains, selon le rapport du Financial Times.

Un virage stratégique pour les plateformes

Cette contraction du temps d’usage met les géants du secteur face à un défi structurel. Leur modèle économique, fondé sur la croissance continue du temps d’attention, atteint une limite. Pour Meta, TikTok, Snap ou X, l’enjeu n’est plus seulement de retenir les utilisateurs, mais de maintenir leur engagement qualitatif. Les annonceurs, de leur côté, révisent leurs indicateurs : moins de temps d’exposition, plus d’engagement significatif.

Un tournant sociétal

Ce ralentissement marque peut-être la fin d’une ère : celle de la croissance infinie de l’attention numérique. Les années 2010 avaient vu une expansion exponentielle du temps passé en ligne, culminant pendant la pandémie. L’après-crise révèle un rééquilibrage : les utilisateurs arbitrent désormais leur présence en ligne et recherchent davantage de sens.

Et après ?

Pour 2025 et au-delà, GWI anticipe une stabilisation autour de deux heures par jour. Les usages pourraient se recomposer : moins de flux infinis, plus de communautés fermées, de micro-réseaux et d’interfaces immersives. 2022 restera comme le sommet de l’âge d’or des réseaux sociaux, avant qu’un monde connecté ne commence, doucement, à lever les yeux de son écran.

Pour aller plus loin :

• Financial Times, John Burn-Murdoch, « Have we passed peak social media? », 2024.
GWI (Global Web Index), données d’enquête 2022–2024, panel 250 000 adultes, 50+ pays.

NB : Synthèse et interprétations par ChatGPT (GPT-5), novembre 2025.

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