Si pour beaucoup ETRE se résume à AVOIR, il nous faut rappeler en introduction ce qu’en disait Eric Fromm en 1976 (parution en 1978 [eh oui!] en français chez Robert Laffont) dans son ouvrage AVOIR ou ÊTRE ? en page 33 :
« Le choix entre avoir et être, en tant que notions contraires, ne frappe pas le sens commun.
Avoir, semblerait-il, est une fonction normale de notre vie : pour pouvoir vivre, il faut avoir certaines choses. En outre, nous devons avoir certaines choses afin d’en tirer plaisir. Dans une culture dont le but suprême est d’avoir — et d’avoir de plus en plus — et où on peut dire d’un individu qu’ « il vaut un million de dollars », comment peut-il y avoir une alternative entre avoir et être?
Au contraire, il semblerait qu’avoir est l’essence même d’être ; et que celui qui n’a rien n’est rien. Pourtant, les grands maîtres de la Vie ont fait de l’alternative « avoir ou être » le thème central de leurs systèmes respectifs. Bouddha enseigne que, pour pouvoir parvenir au plus haut niveau de développement humain, nous ne devons pas être avides de posséder. Jésus nous dit : « […] que servirait-il à un homme de gagner tout le monde, s’il se détruisait et se perdait lui-même? » (Luc 9, 24 25). Maître Eckhart enseignait que ne rien avoir, se rendre ouvert et « vide », est le seul moyen d’atteindre la richesse et la force spirituelles. Marx enseignait que le luxe est tout autant un vice que la pauvreté et que nous devrions avoir pour but d’être plus et non d’avoir plus. […] Pendant des années, j’ai été profondément impressionné par cette distinction et je cherchais sa base empirique dans l’étude concrète des individus et des groupes par la méthode psychanalytique.
Ce que j’ai découvert m’a amené à conclure que cette distinction, tout comme celle qui existe entre l’amour de la vie et l’amour de ce qui est mort, représente le problème le plus fondamental de l’existence ; que les données anthropologiques et psychanalytiques empiriques tendent à démontrer que avoir et être sont deux modes fondamentaux d’expérience dont les forces respectives déterminent les différences de caractères chez les individus et les différents types de caractères sociaux. »
L’entreprise s’inscrit dans le mode AVOIR
Et quoi qu’on en dise ou écrive à propos des entreprises, de leur évolution, voire de leur responsabilité sociale, il ne fait nul doute que l’entreprise est l’illustration même de l’avidité!
Nous participons tous de cette logique de possession qui supporte l’entreprise dans son quotidien et son évolution.
Aujourd’hui, les « nouveaux modes » de management, ainsi que les solutions ou les organisations qui les servent, appartiennent de facto à cette logique.
Les solutions collaboratives, les réseaux sociaux d’entreprise, ainsi que la « colonisation » des médiaux sociaux grand public par les marques, sont autant d’outils au service d’AVOIR.
Par la centralisation et la mesure, donc le contrôle, ces solutions, ces plateformes, ces expériences soutiennent activement la possession, le retour sur investissement, la création de richesse ! dont il n’est pas acquis qu’elle serve toujours l’individu ! (voir l’excellente note de Thierry de Baillon à propos des Deux visages du social Business)
Et quel mode pour la personne ?
A la différence d’AVOIR qui s’inscrit dans le temps (passé, présent et futur), ÊTRE est hors du temps et c’est également en cela que l’individu, la personne, peut trouver satisfaction dans la valorisation des échanges et des partages sociaux.
L’apport des réseaux sociaux d’entreprise ainsi que des plateformes collaboratives est important pour ceux d’entre-nous qui appartiennent à un mode d’expérience du type ÊTRE.
Ainsi, il peut être possible d’exister au delà des hiérarchies et de certaines pesanteurs d’organisation, mais seulement à certaines conditions !
Mais les RSE servent également les aspirations de ceux qui s’inscrivent dans le mode AVOIR en permettant aux organisations de CROÎTRE et aux individus d’en (S)AVOIR plus.
Ces outils participent activement de la représentation de notre mode à propos duquel Eric Fromm écrivait page 171 : »Sans la carte de notre monde naturel et social » […] « les êtres humains auraient été désemparés et incapables d’agir à dessein et de façon consistante, car ils n’auraient eu aucune possibilité de s’orienter et de trouver un point fixe leur permettant d’organiser les impressions qui les assaillaient de toute part.
Notre monde a pour nous une signification et nous nous sentons certains de nos idées grâce au consensus de ceux qui nous entourent. »
Plus je lis tes billet et plus je me demande si c’est claude super ou claude excellent
Merci de nous donner à lire tes réflexions et contenus
a+
😉
Merci !
Encore un article très intéressant !
On s’interroge aussi parfois sur la différence entre la nature (être) et la fonction (qui n’est plus « avoir » mais « faire »).
Les RSE ont cette force de mettre plus en valeur le AVOIR/FAIRE que le ÊTRE. Exemple concret : l’auto-déclaration des compétences. Autant le diplôme d’un collaborateur rentre dans le « être », autant ses compétences sont dans l' »avoir » (ou le « faire »)…
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