[évolution digitale]La stratégie est clef, les outils ne méritent pas tant d’attention !


Courant juillet, le MIT a publié une étude « G. C. Kane, D. Palmer, A. N. Phillips, D. Kiron and N. Buckley, “Strategy, Not Technology, Drives Digital Transformation” MIT Sloan Management Review and Deloitte University Press » qui n’est pas passée inaperçue, quoique !

Nul n’est besoin de retranscrire la brillante analyse des rédacteurs de ce travail, mais il est intéressant de mettre en avant quelques données issues de l’enquête qui a nourri ces réflexions qui mettent en évidence le rôle clef de la stratégie dans la transformation numérique aux dépens des outils auxquels nombreux sont encore ceux qui s’y accrochent !

En tout premier lieu et en ce qui concerne la maturité numérique des organisations, le constat est clair et les « obstacles » sont nombreux de l’absence de vision stratégique aux questions de sécurité.

maturité numérique

Et l’absence de compétences « numérique » (ce qui inclus probablement la compréhension) au niveau du management est une réelle cause de retard pris dans l’évolution vers des modèles plus pertinents de ce point de vue.

Détail analyse maturité numérique

Autre indication qui mérite qu’on regarde les chiffres de plus près : toutes les générations d’employés sont motivés pour travailler dans une entreprise qui intègre fortement le numérique dans son modèle d’affaires et d’organisation !

Des collaborateurs motivés par le digital

Et la frustration, ou au moins la désillusion les premiers risques d’une absence de vision et de stratégie pour l’entreprise dans le numérique !

engagement des employés

Notons également que les secteurs économiques avancent à des rythmes très différents et que globalement ce ne sont pas les employés qui en sont les premiers bénéficiaires !

selon les secteurs économiquesEnfin, l’étude met également en exergue les différences de comportement liées à la maturité numérique des organisations dont on voit bien dans le graphique ci-après que le facteur clef est « tout simplement » dans la perception du numérique : opportunité(s) ou menace(s) !menace ou opportunité

Cette étude est disponible en téléchargement et en lecture sur le site du MIT, elle est riche de données et d’éléments d’analyses qui valent le temps qu’on peut passer à les lire.

Évolution numérique : d’abord une question de méthode personnelle !


Plus on (certains) en parle, moins on (les mêmes) en font !
L’évolution numérique et la maturité qui l’accompagne ne se mesurent pas à l’habilité à publier des selfies :
il y a un gouffre entre « être à l’aise » avec le maniement d’outils ou d’applications et « mettre en oeuvre » une stratégie intégrant leur usage.

Qu’il s’agisse de parcours personnels ou professionnels, la maturité numérique est l’élément clef qui doit permettre, à tout à chacun et – bien entendu – à ceux avec qui et ce sur quoi il travaille, plus de pertinence et plus de performance au quotidien.
La mesure de la maturité est différente de celle de l’adoption des outils : il s’agit de comprendre les usages et ce qui les motive : la stratégie et ses objectifs.

Il est donc difficile pour des « acteurs » peu ou pas formés à la méthodologie de s’adapter rapidement à ces changements.
methode2Hors aujourd’hui, de nombreuses formations tiennent, non pas selon moi de l’enseignement ou de la préparation à la réflexion, mais bien plus de la mémorisation et de l’entraînement à répéter la mise en oeuvre de recettes plus ou moins efficaces selon des scenarii plus ou moins pertinents.

Mais le numérique change tout et surtout la donne en matière de scénarii et de prévisibilité de l’environnement de l’entreprise et ce sont la plupart des recettes qui doivent être revues ou ré interprétées au moins en ce qui concerne leur mise en oeuvre.

Il est d’autres critères que la différenciation entre aisance et compréhension pour qualifier un niveau de maturité numérique.

Toute méthode suppose qu’à un certain moment, l’individu doit prendre le temps du recul pour apprécier ce qui a été fait tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif et que certaines actions correctrices ou complémentaires soient évaluées si besoin.
methodeLa maturité numérique s’évalue également dans la capacité de la personne à gérer les connexions (et donc les déconnexions) des espaces collaboratifs, sociaux auxquels elle participe.
La capacité à gérer les flux d’information dans l’espace (ou les espaces) et le temps est signe d’une réflexion elle même issue d’un « comportement méthodique ».
Le numérique privilégie l’asynchrone et nul n’est contraint à une connexion permanente.
Une des libertés qu’apporte le numérique est de pouvoir gagner en « liberté » au moins en ce qui concerne la gestion de son temps à titre personnel et professionnel.
De ce simple point de vue, il est facile de constater à quel point un sentiment d’urgence prédomine dans le traitement des échanges numériques et il est indéniable qu’il est le signe d’une immaturité et d’un manque de méthode manifeste !

La méthode est également clef pour s’adapter à l’infobésité (terme moins utilisé maintenant mais une réalité indéniable).
Non pas qu’il se passe beaucoup plus de choses qu’auparavant, mais surtout que nous avons les moyens de savoir tout ce qui se passe, partout ou presque et en temps réel.

enuneminutesurinternet
Loin de moi l’idée de critiquer cette disponibilité de l’information, mais il est nécessaire pour chacun (sauf à prendre le risque de s’y noyer) de décider des thèmes, de la fréquence et des outils ou canaux et sans méthode, ni bien sur de stratégie, l’exercice devrait se révéler périlleux.

« Derrière l’outil numérique, c’est une forme d’addiction au temps court qui fait dérailler la communication »,

analyse Thierry Venin.

La méthode est au service de l’efficacité personnelle, sans laquelle il n’y a pas, ou tous les cas beaucoup moins, d’efficacité professionnelle.
Et ceux qui auront acquis de la méthode seront ceux qui pourront développer et affirmer une vision ! La méthode est au service du leadership et quoiqu’en pensent les cohortes de diplômés des « business schools », ils ne sont que très peu nombreux à en avoir appris la valeur et l’intérêt, trop occupés qu’il étaient à essayer d’ingurgiter des théories dont on ne sait pas encore si elles vont (leur) servir longtemps.

L’évolution numérique va mettre en valeur une élite, formée au sens critique, dotée d’un sens de la méthodologie et capable de formuler des visions pertinentes et attrayantes en sachant choisir les flux les plus pertinents et produire des analyses convaincantes.

Tous les autres, risquent par défaut de venir gonfler les « troupes » du Lumpenproletariat de demain.
A moins que le monde académique et les responsables de formation mettent en valeur des pratiques de « déconnexion », de réflexion et d’arbitrage, toutes révélatrices de la réalité de la maturité numérique d’une personne, mais rien n’est moins sur !

 

 

Nous sommes partis à une vitesse sans cesse croissante vers nulle part. Le monde occidental va très vite. De plus en plus vite, mais il n’y a pas d’orbite où se situer, il n’y a pas de point vers lequel on avance, il n’y a ni lieu ni objectif. […] il n’y a plus ni objectif ni transcendant, ni valeur déterminante, le mouvement se suffit.

Jacques Ellul

Évolution numérique : la consécration du court circuit ?


Un terme fait trembler la plupart beaucoup de responsables d’entreprise et transpirer les stratèges du business model (et ce n’est pas uber) : la désintermédiation !

Originellement mise en oeuvre dans le cadre des activités financières, ce « modèle » s’est largement propagé dans d’autres secteurs économiques et  le numérique représente pour lui une opportunité ou un tremplin exceptionnel.

Il y avait déjà les initiatives de l’économie collaborative, celles de l’économie de la demande (ce n’est pas la même chose, loin s’en faut!) et la tendance semble vouloir consolider ce modèle et valoriser les circuits courts.

circuits-courts-oKEn matière de consommation, notamment de produits frais, il n’y aucun doute quant à l’intérêt des consommateurs pour une offre « directe », et pour les produits manufacturés, on serait tenté de vouloir y croire grâce à la multiplication des fablabs et aux offres nouvelles du type made.com !

Du côté des services, il est encore un peu tôt pour constater une évolution dans ce sens, mais il ne serait pas étonnant que l’expérience client fasse la part belle aux opérateurs proposant de court-circuiter les canaux jusqu’alors établis et considérés comme performants : n’est-ce pas déjà le cas dans le secteur du tourisme, des biens culturels, des transports, etc. ?

Hors l’expérience client, il est un autre domaine dans lequel l’évolution technologique et la vitalité des réseaux sont des facteurs favorables à la désintermédiation : le management !

En effet, la plupart des employés sont – quand ils en ont besoin – experts en stratégie de contournement (de procédures, de décisions, de conseils) et dans un langage courant ce n’est rien d’autre le plus souvent que de trouver un « court circuit ».

Jon Husband a clairement exprimé les enjeux de l’influence des réseaux sur le management en proposant une réflexion sur une approche nouvelle  » wirearchy » !

wirearchy
En fait, si les modèles d’affaires évoluent, il en est de même pour les pratiques managériales qui doivent prendre en compte – au quotidien et sur le terrain – l’expérience employé et ses corollaires.
Ainsi, bon nombre de responsables appartenant ou non à la C suite (COMEX) courent le risque de se trouver « éjecter » d’un système dans lequel leur valeur ajoutée n’aura pas été reconnue, pas plus que leur légitimité ni leur autorité, par des employés qui auront préféré le circuit court dans leur quotidien au travail.
Il y a pour certains de bonnes raisons de s’inquiéter et les « attaques » contre le « management intermédiaire » témoignent de cette réalité tandis que les promesses telles que celles de « l’entreprise libérée » consacrent avec insouciance la désintermédiation managériale au détriment d’une réflexion réellement pertinente sur ses effets en termes de relation humaine et d’efficacité économique !

Le bonheur au travail au bout du chemin de la désintermédiation managériale ? 

Le court circuit en guise de pratique vertueuse dans une économie en plein chambardement ?

Possible, mais pas si sur !
Par contre, une idée facile à vendre (et sans intermédiaires) !

Et selon vous ?

Digital fiction (n°6) : Pas de rentrée bling bling, côté marketing ?


Bon, ce n’est pas le tout, mais les vacances, pour la plupart, cette année, c’est déjà des souvenirs moins des perspectives !

Et du côté du marketing, la rentrée s’annonce plutôt compliquée !
Imaginez un peu, des équipes entièrement dévouées à l’exploration d’outils d’analyse, de sectorisation, de standardisation, de reporting : les rois du camembert ou du spider-graph et de la power-point.
Imaginez un peu un CMO qui se « voyait déjà en haut de l’affiche » et à qui on vient de coller un CDO dans les pattes parce que ce qui vraiment important aujourd’hui c’est l’expérience client alors qu’il avait toujours cru que le client appartenait à un groupe (pas à une bande) et qu’il obéissait à des réflexes et pulsions guidés par cette appartenance.

Difficile de synthétiser l’expérience client dans sa singularité dans un fichier Excel alors que les réseaux sociaux se révèlent être un vrai champ de mines en matière de réputation.

Depuis les grandes heures de la réclame (notamment à la TV), le marketing a très souvent joué à « l’épate » en utilisant à grands renforts financiers tous ce (et ceux) qui faisaient encore rêver le chaland.
Le marketing affirmait une connaissance précise du client et une vision de ce qu’il souhaitait et donc allait acheter.
La mise en scène des services et des produits alliés à une standardisation extrême des produits suffisaient – selon lui – à assurer le succès et parfois un élément de différenciation venait créer la différence et vous permettait de prendre une longueur d’avance.

Et la plupart des CMO voient leurs certitudes (si difficilement acquises au long d’un cursus en école de commerce) et leur monde s’écrouler du seul fait du client : l’acteur dont ils ont la responsabilité de la connaissance et de la prédiction !

A force de faire confiance à des outils, les équipes marketing ont trop souvent coupé toute relation avec l’humain qui se cache derrière le client et ne voila t-il pas qu’il revient sur le devant de la scène en utilisant lui aussi des outils.
Ces mêmes outils qu’on avait accueillis avec enthousiasme tant ils paraissaient prometteurs dans une stratégie de présence dans ces nouveaux médias et sur ces nouveaux canaux.
Le marketing avait trouvé l’outil magique et il se goinfrait de like et de followers pour montrer combien sa marque était pérenne et digne de confiance, mais aussi combien il maîtrisait la communication et la relation client : le web 2.0 , un rêve pour le CMO.
Mais ce rêve est assez rapidement devenu (en fait avec l’énorme appétit des consommateurs pour la mobilité) un cauchemar pour certains, voire un piège pour d’autres : il ne suffit pas d’acheter, de prétendre, de déclamer, il faut convaincre et créer la confiance et personne n’avait prévenu les équipes marketing de cette nouvelle donne qui était en train de se mettre en oeuvre.

Alors pour cette rentrée 2015, on oublie la mise en scène tapageuse, la standardisation qui est censée rassurer le consommateur, la mise en valeur de soi pour tenter plus de connivence avec le client.

Le selfie est apprécié pour le fun ou la bonne cause, la « sur exhibition » des marques et des enseignes est ressentie comme suspecte, voire malsaine et les affaires peuvent en souffrir.
Rares sont les marques qui peuvent se targuer d’un capital notoriété-confiance suffisant et toutes les autres doivent ramer pour le créer.

Pas de gadget bling-bling pour cette rentrée, mais une approche terrain, pragmatique, franche et saine pour tenter de passer la rampe et de continuer à exister demain au travers d’une expérience client réellement appréciée, valorisante, à l’origine du cercle vertueux du marketing digital ou analogique.

L’évolution digitale du marketing ne s’est pas faite malgré les gourous du SEO, du social et les as de l’ergonomie des sites et services web, elle se fera par un changement d’attitude et de méthode d’observation et la remise en cause des relations actuelles fournisseur-client et employeur-employés vers des pratiques plus ouvertes, respectueuses et transparentes.

Nous ne sommes pas des numéros !

Digital fiction (n°4) : plutôt à l’arrache côté RH 


Le numérique, vu par le département des RH, c’est plus souvent une source de soucis que l’occasion d’incroyables opportunités.

La gestion des personnels est une mission bien trop compliquée, qui demande discrétion et savoir-faire, pour trouver un quelconque intérêt dans le numérique.

Bulletins de paie. ClavierRécemment encore centrée autour de la gestion de la paie (une mission comptable), la préparation des contrats (droit du travail) et l’aide à l’organisation de certaines formations et de certains recrutements, la direction RH est peuplée majoritairement de collaborateurs compétents dans le traitement de tâches administratives de gestion.
Le SIRH (système d’information des ressources humaines) est d’ailleurs la plupart du temps composé de solutions de gestion et géré à part du SI global de l’entreprise comme pour montrer sa différence et son besoin d’isolement (le secret des rémunérations probablement !).

Depuis les premières expériences de dématérialisation telles celles des commandes et plus généralement des courriers entrants, il n’est pas un jour, une réunion, sans que quelqu’un (de bien intentionné) de l’informatique ou des métiers, voire du COMEX, ne soulève la question de la dématérialisation côté RH.
Ce ne sont pas les opportunités qui manquent, mais que ce soit pour la mise en place du « dossier employé » ou encore la validation des absences (congés par exemple) ou l’inscription a une formation, les RH font de la résistance avec plus ou moins de succès.

FEUILLE-DE-PAIEBien évidemment, beaucoup d’entreprises offrent maintenant aux collaborateurs – au travers de l’intranet – un dossier regroupant différents documents dont les fiches de paie ou encore des formulaires permettant de solliciter une formation, de déclarer une période de congés pour ne citer que les cas les plus fréquents, mais le numérique n’a pas encore pour autant modifié les pratiques de la gestion de la ressource humaine.

L’automatisation et la dématérialisation des processus ont été réalisés – à l’aide de logiciels – pour le traitement des CV au regard (même si on n’a pas le droit de le dire) de critères objectifs tels que l’âge, l’origine, le diplôme, la nationalité et bien d’autres.
Dans ce cas, le numérique devient le moyen de faire vite, mais il est aussi au coeur de la lâcheté des recruteurs en leur permettant une réponse anonyme, standardisée, automatisée (email envoyé de nuit et parfois le week-end) et immanquablement frustrante pour une personne qui avait mis probablement un peu d’espoir dans sa postulation !

En fait, le département des ressources humaines et c’est presque un paradoxe utilise les technologies pour « déshumaniser » le traitement des tâches qu’il lui sont confiées par l’entreprise !

Pourtant la pression gagne en intensité et sans avoir ne serait-ce qu’un strapontin à la C suite, les RH se retrouvent solliciter sur tous les fronts, de la bonne visibilité de la marque employeur telle que réclamés par la dir com et certains métiers à l’impact des nouveaux outils et aux questions de gouvernance soulevées, à juste titre, par la DSI et d’autres métiers !

ISOLEMENTLa mise en « silo » des informations RH et de leur traitement pour des raisons de sécurité et de confidentialité (dont on se demande toujours si elles ne pouvaient pas être traitées différemment mais au sein d’un SI global à l’entreprise) a conduit les équipes en charge de ces fonctions à travailler « à l’écart » de l’entreprise et à l’heure de l’évolution numérique il n’est pas étonnant de les voir « dépassées » par l’ampleur des sollicitations et des demandes.

Tout change ou plus simplement tout peut changer et les incertitudes sont nombreuses au niveau des affaires, du management donc de la conduite de l’entreprise : recrutement, évaluations annuelles, formation, accompagnement, fracture numérique, télétravail sont parmi les dossiers les plus chauds d’un département qui n’arrive que difficilement à se projeter dans le tout numérique.

Il n’y pas de doute, côté RH, on est plutôt à l’arrache et aucune embellie ne se profile à court terme !